«Il etait la, grave, immobile, absorbe dans un regard et dans une pensee. Tout Paris etait sous ses pieds, avec les mille fleches de ses edifices et son circulaire horizon de molles collines, avec son fleuve qui serpente sous ses ponts et son peuple qui ondule dans ses rues, avec le nuage de ses fumees, avec la chaine montueuse de ses toits qui presse Notre-Dame de ses mailles redoublees. Mais dans toute cette ville, larchidiacre ne regardait quun point du pave : la place du Parvis ; dans toute cette foule, quune figure : la bohemienne.
Il eut ete difficile de dire de quelle nature etait ce regard, et dou venait la flamme qui en jaillissait. Cetait un regard fixe, et pourtant plein de trouble et de tumulte. Et a limmobilite profonde de tout son corps, a peine agite par intervalles dun frisson machinal, comme un arbre au vent, a la roideur de ses coudes plus marbre que la rampe ou ils sappuyaient, a voir le sourire petrifie qui contractait son visage, on eut dit quil ny avait plus dans Claude Frollo que les yeux du vivant».
1815 : Edmond Dantes est ce jeune marin a qui tout reussit. On lui promet le grade de capitaine ; il va pouvoir epouser sa fiancee. Mais, victime dune machination, il est accuse detre un conspirateur bonapartiste. Son bonheur et son ascension sociale sont brises net. Dans les geoles du chateau dIf, au large de Marseille, samorce le roman de sa vengeance. Apres quatorze annees denfermement, Edmond Dantes naura de cesse de punir ceux qui lont trahi. Puisque sa vie lui a ete volee, autant en rever dautres. Il est temps de se reinventer : le simple marin devient comte de Monte-Cristo.
Entre liberte et justice, vengeance et metamorphose, voici le chef-d?uvre du roman daventures.
Canotage sur les eaux tranquilles de la Seine, peche au gros le long des cotes normandes sur une mer dechainee, chasse sur des marais geles, navigation au long cours : laventure, humaine et amoureuse, exaltante et cruelle, se noue au fil de leau…
Laissez-vous emporter par le courant de la prose a la fois enchanteresse et tumultueuse de Maupassant!
« Cetait une nuit merveilleuse, une de ces nuits comme il nen peut exister que quand nous sommes jeunes, ami lecteur. Le ciel etait si etoile, un ciel si lumineux, qua lever les yeux vers lui on devait malgre soi se demander : se peut-il que sous un pareil ciel vivent toutes sortes dhommes irrites et capricieux ? Cela aussi, cest une question jeune, ami lecteur, tres jeune, mais puisse le Seigneur vous linspirer souvent !... »
Le « roman sentimental » du maitre russe, magistralement adapte au cinema par Luchino Visconti en 1957.
Irteniev, proprietaire terrien, est un homme serieux, qui gere son domaine avec efficacite et rigueur.
Marie a la douce et fragile Lise, romantique amoureuse qui lidealise, Irteniev fait de son mieux pour etre a la hauteur. Cest sans compter sur Stepanida, une belle paysanne impudique, au regard de braise, au corps vigoureux et a la peau laiteuse, qui met tous ses sens en emoi... Peut-on resister aux tentations de la chair ? Tolstoi nous dresse un tableau diabolique de la sensualite.
Quoi quil puisse arriver, Jonas, peintre au talent reconnu, croit en sa bonne etoile — jamais elle ne cessera de laider et de le guider. Pourtant la vie, ses proches, ses amis, ses disciples lacculent peu a peu a la sterilite artistique... Un ingenieur francais, en mission au Bresil, est confronte aux superstitions et au mysticisme des indigenes. Mais lamitie quil eprouve pour lun dentre eux aura raison de son scepticisme. Deux magnifiques nouvelles a la fin mysterieuse et ambigue par lauteur de Letranger.
"Jai ainsi vecu seul, sans personne avec qui parler veritablement, jusqua une panne dans le desert du Sahara, il y a six ans. Quelque chose setait casse dans mon moteur. Et comme je navais avec moi ni mecanicien, ni passagers, je me preparai a essayer de reussir, tout seul, une reparation difficile. Cetait pour moi une question de vie ou de mort. Javais a peine de leau a boire pour huit jours. Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable a mille milles de toute terre habitee. Jetais bien plus isole quun naufrage sur un radeau au milieu de locean. Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drole de petite voix ma reveille. Elle disait : ... "
«Gilliat se rejeta en arriere, mais put a peine remuer. Il etait comme cloue. De sa main gauche restee libre il prit son couteau quil avait entre ses dents, et de cette main, tenant le couteau, sarc-bouta au rocher, avec un effort desespere pour retirer son bras. Il ne reussit qua inquieter un peu la ligature, qui se resserra. Elle etait souple comme le cuir, solide comme lacier, froide comme la nuit... Brusquement une large viscosite ronde et plate sortit de dessous la crevasse... On distinguait au cote oppose de ce disque immonde le commencement de trois autres tentacules, restes sous lenfoncement du rocher. Au milieu de cette viscosite il y avait deux yeux qui regardaient.
Ces yeux voyaient Gilliat.
Gilliat reconnut la pieuvre.»
«Je pouvais mettre ma main dans sa main, sur son epaule, sur sa joue, Albertine continuait de dormir. Je pouvais prendre sa tete, la renverser, la poser contre mes levres, entourer mon cou de ses bras, elle continuait a dormir comme une montre qui ne sarrete pas, comme une bete qui continue de vivre quelque position quon lui donne, comme une plante grimpante, un volubilis qui continue de pousser ses branches quelque appui quon lui donne. Seul son souffle etait modifie par chacun de mes attouchements, comme si elle eut ete un instrument dont jeusse joue et a qui je faisais executer des modulations en tirant de lune, puis de lautre de ses cordes, des notes differentes.»
Un couple de commercants parisiens, les Roland, retires au Havre. Deux fils : Pierre et son cadet Jean, «aussi blond que son frere etait noir, aussi calme que son frere etait emporte, aussi doux que son frere etait rancunier.» Pierre et Jean ne saiment pas, mais la famille vit en paix jusquau jour ou lon apprend quun vieil ami des Roland a laisse en mourant toute sa fortune a Jean. Pourquoi a Jean seul ?
De ce qui aurait pu etre un banal drame de boulevard, Maupassant a fait une tragedie concise et cruelle, ou affleure le theme du Double qui va bientot hanter sa folie. Et le livre contient, sur la mer, les bateaux, la lumiere, la campagne normande, quelques-unes des plus belles pages de la litterature impressionniste.
Notre edition complete des nouvelles de Maupassant se poursuit par ce volume, publie en 1899, six ans apres la mort de lecrivain. Presque tous ces recits avaient paru dans la presse. Certains dentre eux ont ete developpes dans Une vie. Le recueil est riche en «contes cruels», qui abordent les gouffres noirs de letre humain. On y rencontre aussi des histoires comiques. Les femmes y sont decrites comme menteuses, entierement soumises a leur physiologie, et a leur interet amoureux. Les deux sexes sont incapables de se comprendre, affirme Maupassant, grand lecteur de Schopenhauer.
Les hommes ne sont pas presentes de maniere plus optimiste : brutaux, naifs, odieux. Il y a aussi les exclus de la vie ou de la societe : vieilles filles, enfants naturels, drogues, pretres, femme defiguree, aveugle, paralytique : lhomme est cruel envers les faibles. La guerre est lexpression favorite de cette cruaute, que denonce la nouvelle «Le Pere Milon».
Partisan de la position allongee, Oblomov ne trouve le bonheur que dans le sommeil. Ni son ami Stolz, incarnation de lenergie et de lesprit dentreprise, ni la belle Olga avec qui se nouera lembryon dune idylle, ne parviendront a le tirer de sa lethargie. Entreprendre et aimer sont decidement choses trop fatigantes.
Grand roman de m?urs, Oblomov offre une satire mordante des petits fonctionnaires et des barines russes. La premiere partie du texte constitue un veritable morceau de bravoure, irresistible de drolerie, decrivant les multiples tentatives toutes vouees a lechec dOblomov pour sortir de son lit.
La profondeur du roman et la puissance du personnage dOblomov nont pas echappe a des philosophes comme Levinas. Linertie du heros est moins une abdication que le refus farouche de tout divertissement.
Lhumour et la poesie sont au service dune question que Gontcharov laisse ouverte : et si la paresse, apres tout, etait moins un vice quune forme de sagesse?
«Lorenzo : Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ? Songes-tu que ce meurtre, cest tout ce qui me reste de ma vertu ? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, cest mon meurtre que tu honores, peut-etre justement parce que tu ne le ferais pas. Voila assez longtemps, vois-tu, que les republicains me couvrent de boue et dinfamie et que lexecration des hommes empoisonne le pain que je mache. Jen ai assez dentendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis, et qui il est... Ma vie entiere est au bout de ma dague et dans deux jours, les hommes comparaitront devant le tribunal de ma volonte» (Lorenzaccio, acte III, scene III).